Bibi sinon rien!

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Premier Ministre Benjamin Netanyahou dans une entrevue pour CNN (via Flickr)

Israël a voté. Le résultat a été surprenant: Bibi conserve son poste, alors que tout laissait penser le contraire. Les journaux titraient « Netanyahou perd du terrain dans les sondages ». On le croyait perdu, désarmé, vaincu. Mais il ne fallait pas le sous-estimer, Netanyahou a réussi à se relever. Une véritable bête politique. Il semble même être ressorti plus fort de cette bataille. « C’est un magicien » s’exclamaient ses partisans après la sortie des résultats. Il semblerait toutefois qu’il soit plutôt addictif au pouvoir.

Pourquoi les Israéliens ont-ils décidé de réélire Netanyahou? Il est vrai qu’avec les 30 sièges remportés par son parti, il ne représente finalement que vingt-cinq pourcent de la population. Mais en attendant, il est toujours à la tête du pays. On pensait qu’avec son bilan peu positif, une économie instable, le coût de la vie qui explose, et les scandales des dépenses de son couple, Bibi ne séduirait plus l’électorat. Mais heureusement, il a sorti sa baguette magique! Alors que le parti travailliste se concentrait sur l’économie, Bibi a préféré se focaliser sur la question de la sécurité. Tout cela en évitant, bien entendu, d’évoquer son bilan. Son but était simple: sécuriser sa base électorale et prouver que ce n’est pas un homme du centre, mais un « ultra ».

Ainsi, tout au long de sa campagne, il n’a pas manqué une seule opportunité pour capitaliser sur sa ligne politique dure et sans la moindre concession. Sa prestation au congrès américain contre le possible accord sur le nucléaire iranien, sans invitation du Président, en est un exemple. En outre, après les attaques de janvier en France ainsi que celles au Danemark, il avait lancé un appel à « l’émigration massive » des juifs d’Europe[1]. Il déclarait également qu’Israël les attendait « les bras ouverts». Cette attitude avait été vivement critiquée par la communauté juive mais également internationale. Manuel Valls, premier ministre français, avait d’ailleurs précisé que lorsque l’on “est en campagne électorale, ça ne veut pas dire s’autoriser n’importe quelle déclaration[2]. Oui, tout le problème est là: Bibi n’a pas oublié son sectarisme. Qu’importe l’intégrité, et qu’importe le respect. Tant que cela permet de gagner quelques voix, tout est permis!

Le premier ministre ne s’est pas arrêté là. Après avoir utilisé la peur des Juifs d’Europe, il s’est tourné vers celle des Juifs d’Israël. Ainsi, il n’a cessé d’utiliser des discours discriminatoires et de peur. On pourrait penser que le but d’un leader est d’unifier. Mais non, pour Monsieur Netanyahou, diviser le peuple est beaucoup plus alléchant. Son discours s’est notamment durci lors des derniers jours avant le vote. Mardi, des messages avaient été envoyés déclarant que «  les électeurs arabes viennent voter en masse. Les organisations non gouvernementales de gauche les conduisent en bus »[3]. Son but était clair: capitaliser sur la peur des citoyens de religion juive, face à la mobilisation des citoyens israéliens d’origine arabe. User de la peur et faire une différence entre les citoyens de son pays n’est pas respectable pour un leader prétendument démocrate.

En outre, il s’est également exprimé sur la question de la Palestine. Le jour du vote, Netanyahou a déclaré (et cela pour la première fois depuis qu’il est au pouvoir) qu’il n’y aurait pas d’état Palestinien tant qu’il serait Premier Ministre. En refusant l’idée de deux états, il est ainsi allé à l’encontre d’un discours prononcé en 2009, appelant à « une coexistence pacifique ». Il est donc clair, que pour Bibi les mots n’ont pas d’importance. Ce qui compte c’est de pouvoir atteindre son objectif.

La communauté internationale ne se gêne pas de critiquer les actions et les dires de Poutine. Mais lorsqu’il s’agit de Netanyahou, les reproches se font bien plus rares. Au fond, les deux personnages sont-ils vraiment différents? Tous deux ajustent la mire aux grès des vents. Tous deux adaptent la réalité à leur vision et non l’inverse. Et si ça ne plait pas à tout le monde, ils peuvent toujours suivre le conseil du ministre des affaires étrangères Israélien, Avigdor Lieberman, et « trancher la tête avec une hache des Arabes Israéliens déloyaux ».[4].

On dit que la réélection de Bibi est un coup de théâtre, un miracle. Mais objectivement c’est loin d’en être un. Est-ce vraiment la première fois qu’un dirigeant avide de pouvoir, utilisant la peur et la stigmatisation, réussit à conserver sa place? Ce n’est pas un épiphénomène, on le voit dans d’autres sociétés comme la Russie, toutes proportions gardées.

Ceci n’est pas miraculeux. C’est la triste réalité. Oui, Netanyahou n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. Mais la réélection du « Roi d’Israël » comme le dit cyniquement le Quotidien « Le Monde », n’est pas une bonne nouvelle pour la résolution du conflit Israélo-palestinien et la sécurité dans la région, devenue une véritable poudrière. Ni même pour la démocratie en général. Une démocratie qui ne fait que régresser sur la planète.

 


[1] Louis, C. (2015, February 15). Netanyahou appelle les Juifs d’Europe à émigrer en Israël. Retrieved March 22, 2015, from http://www.lefigaro.fr/international/2015/02/15/01003-20150215ARTFIG00126-netanyahou-appelle-les-juifs-d-europe-a-emigrer-en-israel.php

[2] Dhollande-Monnier, V. (2015, February 16). Hollande tacle l’appel à l’exode des juifs de Netanyahou. Retrieved March 22, 2015, from http://www.europe1.fr/politique/hollande-il-ne-peut-etre-tolere-d-actes-antisemites-2374435

[3] Smolar, P. (2015, March 18). Le triomphe de Nétanyahou sape l’espoir d’un Etat palestinien. Retrieved March 22, 2015, from http://abonnes.lemonde.fr/proche-orient/article/2015/03/18/le-triomphe-de-netanyahou-sape-l-espoir-d-un-etat-palestinien_4595950_3218.html

[4] Paris, G. (2015, March 19). Washington salue sans joie la victoire de Nétanyahou. Retrieved March 22, 2015, from http://abonnes.lemonde.fr/proche-orient/article/2015/03/19/washington-salue-sans-joie-la-victoire-de-netanyahou_4597047_3218.html