Décès de Jacques Chirac: le dernier “grand président” de la Vème République en France

L’ancien Président Jacques Chirac, à la tête de la République Française pendant près de douze années consécutives, est décédé ce jeudi 25 septembre à l’âge de 86 ans. Retour sur cette personnalité singulière et ambiguë.

Jacques Chirac était avant tout le produit d’une époque. Il était le dernier président français dont la carrière avait commencé du temps où le Général de Gaulle était encore au pouvoir. Après être passé sur les bancs de Sciences Po et de l’ENA, il intègre les hautes fonctions publiques avec un poste à la Cour des Comptes à l’âge de 27 ans. Il incarne d’abord les années prospères de 1960 à 1970, puis les crises successives à partir des années 80.

Débordant de charme, d’énergie et de panache, Jacques Chirac, du haut de son mètre 89, a su cultiver tout au long de sa carrière une image d’homme accessible et spontané : aussi à l’aise au milieu du salon de l’agriculture qu’à une conférence diplomatique. Passionné par les civilisations lointaines, grand japonophile, il laisse derrière lui l’imposant musée du Quai Branly au pied de la Tour Eiffel : l’un des rares musées parisiens exclusivement réservé aux Arts de l’Afrique, des Amériques, de l’Asie et de l’Océanie. Jovial, charismatique, voyou, et grand humaniste, il était l’une des personnalités politiques les plus aimées des français, et ceux de toutes les générations. Icone hipster, plusieurs lignes de vêtements ont même été lancées à son effigie. Tee-shirt et sweats le dépeignant sauter un portillon de métro en costume/cravate ou fumer d’une façon nonchalante étaient en vogue chez les adolescents.

Pourtant, c’est seulement après s’être retiré de la vie politique en 2007 que Jacques Chirac a bénéficié d’un grand regain de popularité.

Jacques Chirac en 1997

Président des contradictions, oxymore sur pieds, Chirac était un habitué du zigzag politique. D’abord à l’extrême gauche pendant ses années étudiantes, il devient par la suite pompidolien, néogaulliste, un temps travailliste « à la française » puis libéral dur. Il fonde l’UMP en 2002 ; le parti d’une droite fière et républicaine, férocement opposé au Front National, mais se laisse toutefois aller à des tirades populistes sur des plateaux télévisés.

On se souviendra des points forts de ses mandats. En 1995, il reconnait pour la première fois la responsabilité de l’Etat Français dans les crimes nazis perpétrés pendant la Seconde Guerre Mondiale. Chirac reste aussi un NON à l’invasion de l’Iraq par les Etats-Unis en 2003, et un soutien à Simone Veil pendant son combat pour la dépénalisation de l’avortement. On se souviendra également de sa formule, prononcée au sommet de Johannesburhg en 2002 : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs », formule qui retentit encore en septembre 2019, le jour d’une grève mondiale d’étudiants pour climat.

Pourtant, son bilan reste mitigé. En 2007, après 40 ans au sommet de la vie politique et deux mandats présidentiels, sa popularité s’essouffle. Sur le plan international, on lui reproche une politique trop interventionniste en Afrique. A l’intérieur, on l’accuse d’être le procureur de la « fracture sociale », laissant derrière lui une France criblée de dettes et un chômage en hausse. Soupçonné d’emplois fictifs à la mairie de Paris, une enquête est ouverte lorsqu’il se retire de ses fonctions présidentielles : Jacques Chirac sera condamné à deux ans de prison avec sursis.

Après une douche de critiques, ses apparitions se font de plus en plus rares. Au pouvoir lui succède le controversé Nicolas Sarkosy, puis un François Hollande qui peine à endosser la stature de Président. Progressivement, Chirac bénéficie d’un regain de popularité parmi les Français et émane comme le dernier « grand président » de la Vème. Cette affection particulière pour l’ancien chef d’Etat révèle une certaine nostalgie illusoire des Français qui, près d’un demi-siècle après le Général de Gaulle, sont toujours en quête d’un « père de la Nation ».

Aujourd’hui, son décès bouleverse le pays et immobilise les médias. Une journée de deuil national a été fixée pour le lundi 30 septembre tandis qu’un hommage populaire lui sera rendu le dimanche 29 aux Invalides. « Le Président Jacques Chirac entre dans l’histoire et manquera à chacun d’entre nous » a déclaré Emmanuel Macron.