Les Nouveaux Défis De l’Union Européenne

Le 26 mai dernier se tenaient les élections parlementaires de l’Union Européenne. Ces élections ont eu lieu alors que l’issue du Brexit reste indéterminée, ce qui empêche donc aujourd’hui d’anticiper les impacts économiques inévitables de cette sortie. Cette incertitude nourrit les détracteurs de l’Union Européenne, qui s’en servent comme un marqueur des faiblesses de l’Union. Néanmoins, si ces élections montrent d’importantes positions populistes et nationalistes, on peut tout de même noter que les partis pro-Européens se maintiennent, comme l’a montré la “surprise verte” du nouveau Parlement Européen. Ces élections impliquent une véritable métamorphose politique de l’Union, et la nécessité d’établir de nouvelles alliances, des concessions, et des réformes, si elle entend survivre à la vague populiste euro-sceptique qui ne cesse de croître en parallèle. 

Même si les scores de ces élections semblent reproduire les tendances politiques globales actuelles, ces élections ont suscité bon nombre de surprises. Les partis écologistes et verts ont fait des scores inédits dans de nombreux pays, notamment en Allemagne, en France, et dans les pays Scandinaves. Alors que les partis nationalistes sont en opposition directes avec les partis plus centristes portés sur le multiculturalisme, les partis traditionnels s’effacent peu à peu de l’échiquier politique. En France notamment, le Parti Socialiste et les Républicains, partis dominants de la 5ème République jusqu’à l’arrivée d’Emmanuel Macron et de la République en Marche, font des scores incroyablement bas. C’est le cas de la droite qui voit ses scores chuter de 15% par rapport aux dernières élections, alors qu’elle misait sur l’établissement d’une nouvelle Europe. Par ailleurs, si l’extrême droite bat de peu le parti centriste et pro-Europe du gouvernement, son score demeure plus faible que ce qu’il a été dans le passé, avec 23% contre 26% en 2014. D’autre part, les scores des deux partis sont si proches qu’ils se traduisent par un nombre identique de sièges au parlement. 

Le dirigeant italien Matteo Salvini au Parlement Européen en 2017.

Le cas de l’Italie fait quelque peu écho à celui de de la France, où le parti de centre gauche seconde de peu la Ligue du Nord, le parti de l’extrême droite de Matteo Salvini, qui multiplie de presque 6 son nombre de sièges au Parlement. Il reste néanmoins talonné par le Parti démocratique et le Mouvement 5 étoiles, parti antisystème. En Allemagne également, la tendance suit plus ou moins celle de la France. Les verts font un beau score de 20% et secondent le parti de centre droite du gouvernement, l’Union Démocratique Chrétienne, qui fait le score le plus bas de son histoire malgré sa première place avec 29%. En contrepartie, le parti avec lequel le gouvernement forme une coalition, le parti Social-Démocrate, chute à 16% contre 27% en 2014. Quant au parti d’extrême droite, l’Alternative pour l’Allemagne, il se contente d’un score de 11%.

Les partis conservateurs restent en tête en Finlande, Croatie, Bulgarie, Autriche, Grèce, Pologne, Roumanie, et Chypre. La Slovaquie rompt avec cette tendance en obtenant une majorité libérale, mais la Hongrie de Viktor Orban maintient son cap souverainiste. Quant aux Sociaux-Démocrates, ils se maintiennent en Espagne, Portugal, Suède, Danemark, et à Malte.

L’Europe s’apprête donc à faire face à de nouveaux défis. Les scores faibles des partis de droite et de gauche traditionnels dans de nombreux pays montrent que les dynamiques d’opposition de l’Europe vont changer. 

L’opposition la plus forte au sein de l’UE semble s’organiser autour de la souveraineté nationale et du pouvoir supranational de l’Union. Certains remettent en cause la légitimité d’une Union transnationale, tandis que d’autres voient en cette union une force. La notion d’Europe comme espace uni qui permet une circulation libre est aussi source de remise en cause. Alimentée par la crise des migrants qui génère un rejet de l’étranger, on observe une montée du nationalisme dans la région, face à ces frontières nationales floues. Il s’agit donc d’une opposition idéologique entre les partis des extrêmes contre les partis plus centristes, en termes d’économie ou de mesures sociales. L’Europe devient en parallèle un grand forum d’issues sociales et de valeurs, de l’immigration au mariage pour tous, et voit donc d’autant plus s’opposer des forces idéologiques contraires et importantes. 

Le Parlement Européen à Strasbourg, France.

De plus, le problème de “transparence” de l’Union Européenne, c’est-à-dire le fait qu’elle paraisse incompréhensible et conceptuellement vague pour la plupart des populations, nécessite également d’être réglé. L’Europe est facilement perceptible comme une autorité supranationale qui enlève du pouvoir au citoyen et impose à des pays aux constitutions, valeurs, et fonctionnements différents, des politiques identiques sur lesquelles personne ne semble avoir de pouvoir. Pourtant, l’Europe n’est rien d’autre qu’une expression de la démocratie à plus grande échelle, et non un instrument autoritaire. 

Compte tenu des scores des partis verts dans les différents pays, l’urgence climatique va également être un sujet central pour la suite. Notamment, une alliance entre les partis écologistes et les pro-Européens pourrait bien être la solution pour faire barrage aux eurosceptiques. Par ailleurs, le parlement est susceptible de voir un bouleversement de son champ politique ainsi que la formation de nouvelles alliances autour de nouvelles oppositions. Les deux grandes coalitions traditionnelles, le Parti Populaire Européen et l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates au Parlement européen, sont complètement remaniées. Alors que les partis traditionnels de centre gauche et droite sont en net recul, les verts ont pris de l’ampleur, de nouveaux groupes apparaissent, notamment avec l’arrivée de la liste Renaissance d’Emmanuel Macron. Il y a un vrai renouveau au sein du Parlement, avec beaucoup d’euro-sceptiques et de nationalistes, mais aussi de fervents supporters de l’Union, ce qui donne une nouvelle chance à l’Union.

Les résultats des élections européennes montrent que l’Union est en pleine métamorphose, qu’elle soit désirée ou non. Les récentes élections ont su montrer que partout au sein des nations de l’organisme, les idées européennes continuent de diviser toujours plus. Qui plus est, le Royaume-Uni  demeure dans une incertitude quant aux accords de sortie de l’UE. Les partis populistes nationalistes, eurosceptiques, montent en puissance. En contrepartie, les partis plus centristes et pro-Européens se mobilisent pour lutter face à cette tendance. Ils peuvent espérer trouver du soutien auprès de ceux qui font du climat l’urgence première, puisqu’il est question de réunir autant de forces que possible. Le plus grand défi de l’Union va être de se réformer, sans se détruire.

 

Edited by Laura Millo