Brexit : La Menace d’Un Divorce Sans Accord

Si personne ne peut encore l’affirmer avec certitude, un accord sur les conditions de divorce du Royaume-Uni avec l’Union européenne pourrait bien ne jamais se produire. À moins de 50 jours désormais de la date fixée pour la sortie du Royaume-Uni – le 29 mars 2019 –, les conditions de ce retrait sont toujours empreintes d’incertitudes.

En présentant son accord au pays le 15 janvier 2019, Theresa May avait résumé les choix offerts aux politiciens : le ratifier, sortir de l’Union Européenne sans accord ou renoncer au Brexit. Le parlement britannique avait rejeté avec une majorité écrasante le projet de divorce négocié avec l’Union Européenne. Le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker avait rapidement réagi en estimant que « le risque d’un retrait désordonné du Royaume-Uni de l’Union Européenne s’est accru ». Loin de souhaiter ce scénario-catastrophe, les députés britanniques ont voté, le 29 janvier 2019, un amendement demandant une nouvelle négociation de l’accord de Brexit. Mais, l’accord de retrait est-il encore négociable ?

Dès l’annonce du résultat du référendum britannique, l’Union Européenne avait souligné qu’elle respecterait la décision britannique. Tout au long des négociations, elle a maintenu sa détermination à être unie et préparée pour l’avenir, et à agir de manière ordonnée et dans le cadre juridique défini par les traités de l’UE. Aujourd’hui, elle reste inflexible face à Theresa May. Pour Bruxelles, il n’est pas question de modifier l’accord. « L’Union Européenne l’a dit en novembre. Nous l’avons dit en décembre. L’accord de retrait ne sera pas renégocié » a affirmé le président du Conseil européen, Donald Tusk. Les 27 sont prêts à « clarifier »l’accord de retrait, mais pas à le renégocier, avait prévenu Emmanuel Macron en décembre 2018. De ce fait, si un nouvel accord n’est pas accepté par le Parlement britannique d’ici les dates fixées pour la sortie, et si l’article 50 n’est pas étendu au-delà de cette date, une sortie sans accord s’annonce très probable.

Des manifestants devant le Parlement de Westminster brandissent des pancartes avec pour slogans « Believe in Britain » (croire en le Royaume-Uni), « No Deal, No Problem » (pas d’accord, pas de souci) et « We Voted to Leave » (nous avons voté pour partir).

Qu’est-ce qu’impliquerait un « no deal Brexit » ? En tant que pays tiers, le Royaume-Uni ne serait plus éligible pour participer aux organisations, réseaux, et programmes de collaboration de l’Union Européenne. Le Royaume-Uni est susceptible de remédier à cette situation en cherchant à créer des systèmes nationaux autonomes pour refléter ou s’aligner sur les normes européennes existantes afin de maintenir la continuité et éviter les perturbations. Le pays aura ensuite pour objectif de développer de nouveaux accords et systèmes à plus long terme.

À court terme, l’impact d’un Brexit sans accord sur l’économie britannique serait « chaotique et sévère », mettant en péril les emplois et perturbant les liens commerciaux, avertissent les experts du think-tank UK in a Changing Europe. Selon eux, les entreprises dans les 27 pays de l’UE seraient également touchées, mais les conséquences seraient probablement quatre fois plus importantes au Royaume-Uni.

Du point de vue de la santé, il pourrait y avoir des retards dans l’importation de médicaments en raison de nouvelles dispositions à la frontière. La création d’un régime d’autorisation des médicaments distinct du reste de l’Union pourrait entraîner des retards et des pénuries. Les cartes européennes d’assurance maladie, qui permettent aujourd’hui aux touristes britanniques d’accéder gratuitement aux soins de santé dans l’UE, ne seraient plus valables à compter du jour du Brexit.

D’autre part, une sortie sans accord provoquerait rapidement une hausse des prix des denrées alimentaires et une réduction du choix de produits, avertissent les commerçants britanniques dans leur dernier plaidoyer contre le départ de l’UE sans accord. Ceux-ci notent que la situation serait encore plus critique au mois de mars étant donné que les produits britanniques sont hors saison: 90 pour cent de leurs laitues, 80 pour cent de leurs tomates et 70 pour cent de leurs fruits rouges proviennent de l’Union Européenne à cette époque de l’année.

Le rejet de l’accord de Brexit négocié par la Première ministre Theresa May avec Bruxelles plonge le Royaume-Uni dans l’incertitude sur son avenir.

La question de l’Irlande constitue également une préoccupation particulière et controversée des négociations du Brexit.  Si l’UE veut protéger l’intégrité de son marché unique, un Brexit sans accord signifierait l’imposition de contrôles douaniers à la frontière irlandaise. Le projet de législation de la Commission européenne vise à préserver le processus de paix, mais un renforcement des frontières pourrait provoquer de nouvelles violences.

Depuis son adhésion en 1973, le Royaume-Uni a toujours maintenu son statut de pays insulaire qui se maintenait volontairement en dehors de la zone euro et de l’espace Schengen. La singularité de l’Angleterre, portée par sa forte identité forgée au cours de son histoire, fait que le pays entre régulièrement, et ce depuis toujours, dans des rapports de force ou négociations avec les autres grands pays européens du continent. Une sortie définitive de l’Union confirmerait le statut du Royaume-Uni et sa volonté d’être résolument un pays européen « à part ». Or, les conséquences de ce divorce, surtout s’il n’est pas accompagné d’un accord assurant une période de transition, ne sont pas négligeables. Il restera à voir si le Royaume-Uni arrivera à surmonter ces défis; c’est résolument dans l’intérêt des citoyens britanniques.

 

Edited by Lou Bianchi