Colombie : le défi de la réintégration des FARC

Après plus d’un demi-siècle de conflit qui a coûté la vie à plus de 260 000 personnes, et à l’issue duquel 60 000 ont été portés disparues et 7 millions ont été déplacés, les combattants des Forces Armées Révolutionnaires de Colombie (FARC) se sont désarmés dans le cadre d’un accord de paix historique signé en septembre 2016. Ainsi, le plus ancien et le plus important des mouvements de guérilla latino-américains a été dissous en passant d’une insurrection armée à un parti politique pacifique. L’intégration des anciens combattants dans la société reste aujourd’hui un défi majeur pour la Colombie, un pays en pleine reconstruction dont le conflit armé a laissé des traces durables dans les esprits.

Les activités de désarmement, de démobilisation, et de réintégration intégrées à l’ensemble du déroulement de la réconciliation représentent un processus long et complexe. Bien que l’accord ait été signé en 2016, il faut attendre mars 2017 pour que plus de 7 000 guérilleros des FARC quittent leurs bases de soutien dans 242 municipalités de 11 régions du pays pour s’installer dans 26 « zones de concentration » rurales où ils ont commencé à se désarmer sous le contrôle des Nations Unis. Les FARC ont achevé l’étape de désarmement le 27 juin 2017, qui consiste à rassembler, enregistrer, et éliminer les armes et les munitions détenues par les combattants

La phase de démobilisation qui a suivi le désarmement consistait à libérer officiellement les membres de la FARC. Celui-ci va main dans la main avec le processus de réintégration, pris en charge par l’organisme gouvernemental colombien ACR. Les principales composantes du processus de réintégration sont l’assistance sociale et économique, les soins, la formation professionnelle, et l’accès au système de santé national. Les anciens combattants se voient ainsi restituer leur statut de civil et sont aidés à obtenir un emploi. Ce processus politique, social, et économique de durée indéterminée est un facteur clé pour la stabilisation d’un pays en pleine transition.

Gomez fait parti des 7 millions de personnes déplacées par le conflit armé depuis 1985. Avec l’aide du gouvernement, elle a pu récupérer ses terres dans la municipalité d’El Tablón de Gómez, connue pour la culture du café.

Les camps de réintégration temporaires et une allocation mensuelle permettent dans un premier temps aux anciens combattants de participer à la vie locale, que ce soit en travaillant dans une ferme, en prenant part à des ateliers de couture, ou en travaillant dans une boulangerie. Par exemple, Jaime Zapata, âgé de 26 ans, a deux rêves : étudier pour devenir infirmier et élever sa fille dans un pays en paix.

Néanmoins, ces camps sont supposés prendre fin en août 2019 et la vaste majorité des anciens combattants concernés par la réintégration n’ont toujours pas de perspectives économiques claires. La réussite de la mise en œuvre de l’accord de paix dépend en premier lieu des succès en matière de réintégration économique. Ceci s’annonce être un défi particulièrement difficile à relever dans le deuxième pays d’Amérique latine le plus inégalitaire au niveau économique, avec un taux de chômage estimé à 8,3 pourcent. La plupart des ex-combattants ont un niveau d’éducation extrêmement limité; ils ont rejoint la FARC alors qu’ils étaient encore adolescents. Leurs perspectives sur un marché du travail de plus en plus concurrentiel sont alors limitées.

Selon Jean Arnault, Chef de la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie, « la réintégration économique demeure aujourd’hui un sujet particulièrement préoccupant ». Une mauvaise réintégration pourrait entraîner la création de nouveaux groupes armés, l’expansion des activités criminelles, et la recrudescence de la violence. En effet, dans des contextes de transition et de violence, les personnes « sans emploi et démobilisés, socialisés à la violence et aux brutalités pendant la guerre, sont plus susceptibles que d’autres de former des gangs, en particulier dans les zones urbaines, et constituent une menace constante pour la sécurité des femmes et des enfants ».

Des victimes de conflits, des anciens combattants et des jeunes à risque parlent d’un programme de formation professionnelle à l’Escuela Taller, dirigé par le ministère colombien de la Culture, en septembre 2016.

Par ailleurs, le marché du trafic de drogue colombien et l’émergence de nouveaux groupes armés sont les facteurs principaux qui compromettent la réintégration des anciens combattants. Les combattants démobilisés risquent de recevoir des offres de recrutement ou sont menacés de rejoindre les nouvelles organisations et groupes de lutte contre le trafic de drogue, comme par le passé. Ceci est aussi un sujet préoccupant à l’international: Le gang brésilien Primer Comando recrute des membres des FARC afin d’élargir son réseau de drogue et ses itinéraires.

Ainsi, la lutte contre le trafic de stupéfiants et les groupes armés criminels devraient être au premier plan des stratégies gouvernementales visant à assurer une réintégration réussie. Toutefois, il existe d’autres aspects de la réintégration tout aussi importants qui ne doivent pas être négligés, tels que l’enseignement technique et professionnel, la création d’emplois, la prise en charge psychosociale, et le soutien familial et communautaire. Enfin, le processus de paix dépendra aussi de la capacité de la Colombie à gérer l’afflux de réfugiés en provenance du Venezuela. Et, il semble que ce problème n’aura de solution que lorsque le régime de Maduro tombera.

 

Edited by Laura Millo