Des migrants isolés livrés à leur propre sort à Paris

D’après le Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR), le nombre d’exilés dans le monde s’élève à 25.4 millions, dont de millions d’enfants. Ces derniers fuient leur pays, parfois seuls, vers des conditions de vie meilleures. Par exemple, certaines jeunes filles partent en solo afin d’échapper au mariage forcé. Malheureusement, le destin de ces enfants devient rarement plus complaisant par la suite. En effet, ils doivent traverser des étapes particulièrement difficiles pendant leur trajet, et l’accueil qu’ils reçoivent dans le pays de refuge est souvent mauvais. Ainsi, lorsque ces jeunes arrivent en France, où ils devraient recevoir l’aide dont ils ont besoin, le gouvernement remet en question leur statut de mineur et leur refuse le soutien nécessaire.

En France, « le nombre de jeunes migrants accueillis chaque jour connaît une croissance exponentielle. » En effet, les mineurs isolés étrangers (MIE) ou mineurs non accompagnés (MNA) ne peuvent être expulsés. Ces sigles désignent les migrants de moins de 18 ans qui n’ont pas la nationalité française ni aucun représentant légal. La France a le devoir de les laisser séjourner librement, de les prendre en charge, et de les protéger. Cependant, ceci n’est pas toujours le cas car certains mineurs arrivant sur le territoire ne sont alors pas reconnus comme MIE par la République française.

La mission « mineurs non accompagnés » du gouvernement français a pour but de fournir un abri aux MNA avant de les évaluer et les orienter. Ces évaluations de minorité se font différemment selon le département. A Paris, la Croix-Rouge française a établi un Dispositif d’évaluation des mineurs isolés étrangers (DEMIE). Ce dispositif a pour but d’évaluer les enfants migrants afin d’apporter un rapport d’évaluation au département de Paris pour que celui-ci puisse prendre une décision sur l’authenticité de l’âge mineur du migrant.

Des Français portant une banderole pendant la Marche Solidaire organisée en juin 2018 en soutien aux migrants, Flick.r

Des témoignages de jeunes migrants – réalisés par de nombreuses organisations comme Human Rights Watch, ou des médias comme Konbini news – montrent à quel point ces évaluations sont faites de manière arbitraire. Le DEMIE enfreint notamment les normes internationales et les lois françaises. En effet, son fonctionnement ne respecte pas la circulaire du 31 mai 2013 prévoyant la mise à l’abri immédiate des jeunes, le temps de mener les entretiens et enquêtes nécessaires pour confirmer leur minorité ou la réfuter. Par conséquent, « environ 200 enfants migrants non accompagnés dormiraient dans les rues de Paris » chaque nuit.

En outre, certains jeunes sont interdits d’entrer au DEMIE et se voient refuser une évaluation, et ceci sans aucune raison. Ces jeunes peuvent aussi être confrontés au refus d’y entrer lorsqu’ils n’ont pas de documents d’identité. Pourtant, les normes internationales et la réglementation française admettent que ces documents ne sont pas nécessaires, car leur âge peut être déterminé au cours d’un entretien. Enfin, lorsqu’ils arrivent à entrer au DEMIE ils ont généralement seulement le droit à des entretiens très courts, et les décisions sont par la suite basées sur certains détails absurdes, tels que la posture du jeune ou sa manière de parler. Ainsi, la lettre de refus « adressée à un Afghan de 15 ans, concluait que son attitude, et en particulier son ‘mode de communication affirmatif et exigeant avec l’adulte’, n’était pas cohérent avec l’âge qu’il déclarait. » Certains jeunes n’ont pas non plus été reconnus comme MIE en raison d’autres motifs infondés, comme leur décision de fuir et de voyager seul, à la recherche de meilleures conditions. C’est malheureusement le sort de milliers d’enfants qui arrivent chaque année en France et dans d’autres pays.
Un autre problème à soulever concernant le DEMIE, est que ces entretiens sont mal menés. En effet, les enfants n’ont pas le temps de s’y préparer mentalement ni physiquement.
Sophie Laurent, coordinatrice du programme MNA de Médecins du monde, explique que « compte tenu de leur profil, de leur histoire, de leur état [de santé] à leur arrivée en France, un temps de répit est impérativement nécessaire et un accès aux soins somatiques et psychiques requis sans délai. » Ces soins sont rarement fournis et les MIE arrivant en France finissent souvent par dormir dans la rue.

Logo de l’ONG Human Rights Watch

Human Rights Watch a rédigé un rapport en juillet 2018 expliquant la situation des MIE à Paris, ainsi que les problèmes reliés aux évaluations effectuées sur ces migrants pour déterminer leur âge. Dans leur rapport, Human Rights Watch avait aussi établi une longue liste de recommandations adressées au gouvernement français, à la Direction de l’Actions sociale, de l’Enfance et de la Santé (DASES), au service de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE), au Conseil départementale de Paris, et à la Croix Rouge française, afin d’améliorer cette situation inacceptable. La directrice du bureau Human Rights Watch France, Bénédicte Jeannerod, a déclaré que « les autorités de protection de l’enfance devraient s’assurer qu’aucun enfant n’est en danger à cause de procédures d’évaluation de leur âge bâclées et arbitraires ».

Malheureusement, la situation des jeunes migrants est toujours critique à Paris et dans le reste de la France. Ces jeunes restent privés de l’assistance dont ils ont grandement besoin et n’ont pas même accès à certains services essentiels, comme celui à l’hébergement, à la santé, et à l’éducation.

Néanmoins, il est tout de même important de souligner les améliorations dans le traitement des MIE à Paris depuis la publication du rapport de Human Rights Watch. En effet, « un seul refus de guichet a été constaté cet été, alors que la pratique était couramment dénoncée par les associations auparavant ». De plus, le motif de leur refus de statut de mineur est davantage justifié par écrit depuis septembre. Ainsi, il est plus facile pour les jeunes de contester la décision.

La situation des MIE arrivant dans la capitale française et dans le reste du pays est toujours critique. De nombreux jeunes restent livrés à eux-mêmes et dorment dans la rue après avoir vécu l’enfer dans leur pays. Il est nécessaire que la France agisse pour fournir aux MNA l’aide dont ils ont besoin.

Edited by Laura Millo