Face au suprémacisme blanc: la leçon de Jacinda Ardern à Donald Trump

Le 15 mars dernier, en Nouvelle-Zélande, un attentat terroriste a pris pour cible les mosquées Al Nour et Linwood de la ville de Christchurch, et a provoqué la mort de cinquante fidèles, laissant un pays endeuillé et le monde témoin d’une nouvelle preuve de la montée du suprémacisme blanc. L’auteur principal de la tuerie avait en effet posté un manifeste sur Facebook quelques heures avant, dans lequel il faisait l’apologie du suprémacisme blanc et expliquait ses motivations, pour la plupart xénophobes et islamophobes. Il rendait également hommage à Donald Trump qui était, selon lui, « un symbole d’une identité blanche renouvelée ».

Les images de la première ministre Jacinda Ardern, couverte d’un voile et réconfortant les proches des victimes dès le lendemain de l’attaque, ont fait le tour du globe, suscitant respect et admiration. A seulement 38 ans la plus jeune chef d’Etat du monde s’est révélée exemplaire dans la gestion de cet attentat terroriste : tout en dénonçant le suprémacisme blanc, elle est parvenue à transmettre un symbole fort de solidarité et de paix à la communauté musulmane locale et internationale.

L’essor du suprémacisme blanc  

Le suprémacisme blanc est une idéologie extrémiste raciste qui part du principe que les personnes à la peau blanche constituent une « race supérieure », menacée d’extinction face à la mondialisation et à l’afflux de nouveaux arrivants de différentes ethnicités. Certains de ces extrémistes vont même jusqu’à prôner la création d’un « Etat blanc » et le « droit au retour pour tous les Blancs en danger  sur le modèle d’Israël avec le sionisme », selon les mots de Richard Spencer, leader du mouvement d’extrême droite américain Alt-Right.

Si elle n’est pas nouvelle, cette forme d’extrémisme a (re)pris un véritable essor avec l’intensification de la mondialisation et d’Internet. Aujourd’hui, le suprémacisme transcende les frontières, sans compter qu’Internet et les réseaux sociaux ont permis à des extrémistes isolés de rentrer en contact et de s’organiser pour propager leur message de haine. Par ailleurs, la montée du vote populiste, et notamment l’élection de Donald Trump après les deux mandats de Barack Obama semblent avoir enhardi les suprémacistes blancs des pays occidentaux.

Militants de l’Alt-Right, le 12 août 2017 à Charlottesville

Plusieurs attentats ont depuis été perpétrés par des individus qui ont pris pour cible des minorités ethniques et religieuses, à l’image de la fusillade de Charleston en 2015, lors de laquelle un suprémaciste blanc a ouvert le feu dans une église noire et a fait 9 morts. A Québec également, en 2017, un homme blanc a assassiné 6 musulmans dans une mosquée. L’attentat de Christchurch, plus considérable en termes de victimes, s’inscrit dans cette triste chronologie. La montée du suprémacisme blanc représente ainsi une réelle menace pour la sécurité interne des Etats. Ainsi, les dirigeants doivent savoir dénoncer et condamner ces atrocités sans appel.

Trump face au suprémacisme

Les Etats Unis sont le pays le plus touché par ce type d’attentats. Il semble en effet que la stratégie anti-terroriste américaine ait ignorée pendant longtemps le danger que représentait la montée locale de l’extrême droite. Or, ces crimes sont des actes qui correspondent à la définition d’actes terroristes, dans la mesure où ils ont pour objectif de semer la terreur parmi les communautés minoritaires ciblées. Donald Trump n’a pourtant jamais dénoncé directement le suprémacisme blanc, lui qui a bénéficié d’un large soutien de la part de ces extrémistes lors de l’élection présidentielle. La réaction du président américain à l’attaque de Charlottesville est particulièrement frappante. Le 12 août 2017, des violences éclatent à Charlottesville, Virginie, lors d’un rassemblement de groupes suprémacistes, pour protester contre le retrait de la statue de Robert Lee, Général confédéré.

Face à eux, un grand nombre de militants antiracistes ont organisé une contre manifestation. La tension monte inévitablement. S’en suivent des rixes et des émeutes au cours desquelles un extrémiste blanc finit par écraser une manifestante antiraciste, faisant d’autres blessés. Plutôt que de dénoncer ce crime, Trump a provoqué un tollé en défendant les manifestants racistes, déclarant sur Twitter qu’il y avait :  « des gens très bien des deux côtés ». Après l’attentat de Christchurch le mois dernier, le président américain a refusé une nouvelle fois de reconnaître l’ampleur de la menace suprémaciste et a déclaré qu’il s’agissait seulement « d’une très petite communauté ». Trump semble prêt à tout pour conserver le soutien électoral de ce mouvement : tout en refusant de le condamner, il adopte un discours politique islamophobe et xénophobe qui l’enhardit depuis le début de son mandat. Dès son arrivée au pouvoir, il a interdit aux ressortissants de cinq pays à majorité musulmane d’entrer sur le sol américain. Aujourd’hui, il brandit la menace d’une invasion des Etats-Unis par des migrants latino-américains, des clandestins parmi lesquels se trouveraient  « de dangereux terroristes venus du Proche Orient ».

Jacinda Ardern au lendemain des attentats de Christchurch

Jacinda Ardern face au suprémacisme

De l’autre côté de l’hémisphère, Jacinda Ardern a adopté une approche radicalement différente quant au problème du suprémacisme blanc. Elle a immédiatement qualifié les événements de Christchurch « d’attaques terroristes » et les auteurs de « personnes ayant des idées extrémistes qui n’ont aucune place en Nouvelle-Zélande et en fait, nulle part ailleurs dans le monde ». Des mesures ont été mises en place très rapidement en réponse à l’attentat : en l’espace de six jours, la Nouvelle Zélande a fait passer une loi interdisant la circulation d’armes semi-automatiques. Concernant les réseaux sociaux, Jacinda Ardern a mis la pression sur Facebook qui a, selon elle, mis trop longtemps à stopper la diffusion complète de la vidéo de la tuerie. Le réseau social a ensuite annoncé le bannissement de l’apologie du nationalisme blanc sur sa plateforme, des catégories qui auraient dû être en vigeur depuis toujours dans les directives, selon la première ministre néo-zélandaise. Au-delà de ces mesures nécessaires, Jacinda Ardern a tenu à se rendre sur les lieux du massacre, couverte d’un voile, et à rencontrer les proches des victimes pour leur témoigner le soutien de la nation . Loin des propos islamophobes de Donald Trump, Jacinda Ardern a fait preuve de respect et de compassion envers la communauté musulmane. Quatre jours après l’attentat, elle réaffirmait sa solidarité et son message de paix en débutant son discours par « Assalamu alaykum » [Que la paix soit avec vous, en arabe].

Bien que la première ministre néo-zélandaise bénéficie d’une population moins divisée politiquement que Donald Trump aux Etats-Unis, elle a donné une véritable leçon au président américain en matière de réaction face à la menace suprémaciste blanche. Pendant une conférence de presse, elle a expliqué avoir passé un appel téléphonique avec Trump lors duquel ce dernier lui a demandé ce que pouvaient faire les Etats Unis pour soutenir la Nouvelle-Zélande à la suite de l’attentat. A cela, Ardern aurait sobremement répondu: « de la sympathie et de l’amour pour toutes les communautés musulmanes ».

Il serait temps que les femmes et hommes politiques mesurent la portée de leurs mots et des symboles qu’ils utilisent:  eux qui ont le pouvoir, par leurs actions, de diviser ou d’offrir un blanc seing aux suprémacistes blancs – à l’instar des propos ambiguës de Trump – comme de rassembler et de discréditer le mouvement – à l’image du voile islamique et des messages de solidarité d’Ardern.

Edited by Lou Bianchi