Harcèlement scolaire: un fléau trop peu abordé

« Il me semble indispensable d’interpeller l’ensemble de la société en créant une journée nationale de mobilisation pour dire Non au Harcèlement » déclare Najat Vallaud-Belkacem alors ministre de l’éducation en 2015. Nous voilà quelques années plus tard et le sujet reste tristement d’actualité : la cinquième édition de sensibilisation est d’ailleurs fixée au 07 Novembre prochain. Malgré une mise en lumière encourageante ces dernières années, ce fléau trop peu abordé par les divers acteurs responsables de l’éducation reste omniprésent dans les écoles françaises. En comparaison avec ses voisins européens qui ont pris le problème à bras le corps, la France elle, reste à la traîne.

Selon le Ministère de l’Education nationale de la Jeunesse et de la Vie associative, le harcèlement scolaire se définit comme “une violence répétée, continue, sur une longue période par une personne ou un groupe de personnes à l’égard d’une autre”. Les chiffres sont alarmants puisque en France 700 000 élèves seraient victimes de harcèlement scolaire, dont la moitié d’entre eux de manière sévère, ce qui représente 5% à 6% des élèves au total.

Le harcèlement : un mot unique pour des violences multiples

La force de destruction du harcèlement scolaire réside dans la multiplicité de ces violences et dans sa capacité à passer inaperçu. De loin la violence la plus destructrice : la violence des mots. Si facile, si courante, la violence verbale est à la portée de tous, ne nécessite aucune force particulière et est pourtant la plus humiliante. Car si la violence physique est un duel permettant une défense, la violence verbale elle, se rapproche du monologue. Aucune répartie n’enlève les premières attaques, aucune contre-attaque n’égale la violence initiale. Ces mots pourtant invisibles attaquent l’identité même d’un élève, son intégrité et engendrent des conséquences indélébiles. La violence verbale se trouve souvent accompagné d’une violence physique : c’est cette fois-ci à travers des coups et attaques corporels que le harceleur s’en prend à un de ses pairs. Et enfin, avec l’omniprésence de la technologie dans notre quotidien, le harcèlement passe dans 22% des cas hors de l’espace scolaire et envahit alors le seul milieu qui était jusque-là préservé : l’espace intime et familiale de l’enfant. Facilité par l’anonymat, ce cyber-harcèlement prend la forme de SMS anonymes, humiliations diverses sur les réseaux sociaux mais aussi partages de photos compromettantes.

Cyber harcèlement: une violence envahissant l’espace intime

Conséquences du harcèlement scolaire

Si le harcèlement scolaire peut paraître anodin dans la construction d’un enfant ou adolescent, c’est en réalité un engrenage éprouvant aux conséquences multiples. Mise à néant de la confiance en soi, renfermement, désocialisation ou encore décrochage scolaire sont les conséquences les plus courantes. Mais le harcèlement peut avoir des conséquences bien plus profondes, entraînant des mutilations physiques, troubles psychologiques, dépression et, dans les situations les plus extrêmes, mener à des conduites suicidaires : selon l’Unicef 1 enfant sur 4 victime de harcèlement scolaire aurait déjà pensé au suicide en France.

C’était le cas de Evaëlle, 11 ans le 21 Juin dernier. A l’âge de l’insouciance et de la découverte de soi, le harcèlement scolaire lui a volé sa naïveté, sa joie de vivre au point de la pousser à commettre l’irréparable. Malheureusement, le cas de cette jeune lycéenne n’est pas un cas isolé : 3 à 4 adolescents en moyenne se suicident chaque année à cause du harcèlement scolaire.

Non au harcèlement

Quelles mesures mettre en place en France ?

En comparaison avec ses pays voisins, la France est à la traîne sur le sujet. Malgré quelques timides mesures mises en place par l’état telles qu’une formation du personnel scolaire à la prévention, la mise en place d’un numéro vert ou encore le lancement d’une campagne de communication au primaire, un déni subsiste autour du phénomène, ce qui renforce le sentiment d’impuissance des victimes. Pour espérer avoir un impact efficace sur le long terme, contrer l’inertie des établissements scolaires et uniformiser les mesures : il est primordial qu’un plan d’action clair soit lancé par le gouvernement.

Dans un premier temps, il est crucial d’effectuer une prévention de masse à travers des films, des débats, des interventions, des témoignages, des jeux de rôle mais aussi des formations afin que le corps enseignant puisse réagir en cas de harcèlement.

Mais afin d’avoir un impact sur le long terme, il est également temps que la France s’inspire des solutions instaurées par plusieurs de ses voisins Européens, notamment les pays nordiques relativement en avance sur le sujet. En effet, contrairement à la France: c’est depuis les années 1970 que la Suède a établit la « méthode de la préoccupation partagée». Mise au point par Anatol Pikas, cette méthode opte pour une approche non-blâmante du harceleur. Elle ré-individualise les enfants en passant par des entretiens individuels avec les intimidateurs qui sont incités à devenir acteurs de la résolution du problème. Cette méthode fait ses preuves puisque selon divers enquêtes menées par le pays, elle résoudrait 75% des cas de harcèlement. La Finlande est également pionnière en la matière. Depuis 2006, le gouvernement a fait du harcèlement scolaire une priorité avec le lancement du programme Kiva reposant sur 3 éléments : le jeu de rôle, la confrontation et la sensibilisation à travers des films et des jeux vidéos. Ce programme, basé sur l’empathie semble également être efficace car le harcèlement cesse dans 98% des cas traités avec cette approche.

Alors que les années collèges et lycées sont des années cruciales où les enfants et adolescents se construisent, la France affiche encore des chiffres inquiétants sur le harcèlement scolaire. Pour espérer garantir à sa jeunesse un environnement scolaire bienveillant, il est essentiel que le gouvernement mette rapidement en place une ligne de conduite ambitieuse.

 

Photo de couverture: “Bully free zone,” image par Laurie Shaull, sous licence CC BY-SA 2.0

Edité par Salomé Moatti