Le Maigre Arsenal des Travailleurs Belges

“Il n’y a pas de raison que le droit de grève soit supérieur à la liberté de travailler” : c’est ce qu’a déclaré le Premier ministre belge, Charles Michel, suite à la grève appelée par la Centrale Générale des Services Publics (CGSP) le 10 octobre dernier. Leurs motivations : marquer une « date symbolique » – celle où le Premier ministre prononcerait sa déclaration gouvernementale – afin de almmuniquer un manque de satisfaction avec le gouvernement actuel au sein du syndicat. Résultat : les services comme les transports en commun, les services de poste, la police, les hôpitaux, et même certaines écoles sont devenus, en grande partie, immobiles. Tout cela pour dénoncer un gouvernement que les travailleurs considèrent injuste et inefficace.

Certains partagent l’avis de Monsieur Michel en estimant que la fréquence de ces mouvements sociaux ne représente rien de plus qu’une nuisance pour la vie d’autrui.  En ce qui les concerne, la grève a perdu son impact et son utilité.  Elle est également dépossédée de toute possibilité de soutien de ceux qu’elle empêche de travailler.  En face, par contre, les travailleurs défendent catégoriquement leur droit de se mobiliser et de se faire entendre. Après tout, c’est une arme qui a souvent joué un rôle prépondérant dans les luttes sociales.

Charles Michel
à la tête du gouvernement que les travailleurs protestent.
http://bit.ly/2ic5nes

Quelles sont les justifications?

Ce qu’oublient les partisans du gouvernement Michel soit que les occasions et manières de se faire entendre en tant que travailleur ne sont pas infinies. D’ailleurs, elles sont plutôt limitées.  En dehors du vote, des manifestations et de la grève, il n’y a virtuellement aucun moyen d’expression non-violent pour les travailleurs. Les élections prochaines n’étant qu’en 2019, ceci entraîne un manque indéniable de consultation populaire.  Ceci engendre également un sentiment de marginalisation parmi les travailleurs et force les syndicats à passer à l’action. Bien entendu, l’action de ceux-ci conduit souvent à la grève.  Hormis les pressions sur les instances dirigeantes dans l’espoir souvent déçu d’obtenir de meilleures conditions, les syndicats comme la CGSP ont peu d’armes à leur disposition.

En effet, depuis sa formation en 2014, la coalition MR, N-VA, CD&V et Open VLD a démontré une tendance à favoriser les patrons. Elle s’est aussi concentré sur la baisse du taux de chômage en plus de s’être engagée à éponger la dette nationale. Pour atteindre leurs objectifs, des mesures comme la hausse de l’âge de la retraite et l’augmentation des heures de travail hebdomadaires, ont été instaurées.  A l’horizon de 2030, les Belges devront attendre 2 ans de plus qu’aujourd’hui pour bénéficier de leur pension (67 ans contre 65 actuellement).  Ils seront aussi contraints de patienter 5 années supplémentaires afin de toucher leur pension de survie (55 et non plus 50 ans).

Malgré les justifications du gouvernement, les travailleurs belges se sentent lésés. Ce n’est donc pas un évènement isolé mais un ensemble de faits et de mesures imposées par le gouvernement qui justifie l’appel à la grève dans l’esprit du peuple.  C’est en effet l’ensemble des droits du travailleur que le syndicat cherche à défendre. Le Premier ministre belge a donc eu tort de déclarer que l’action « n’avait absolument rien à voir avec la défense des travailleurs ».

La réalité, c’est que les grèves ont souvent joué un rôle capital dans le débat social.  Pour ne citer que quelques exemples, le vote a été accordé suite à « des grèves sanglantes ». C’est la grève des 100.000 en 1941 qui a permis aux travailleurs d’obtenir une augmentation de 8% d’un quart des salaires et qui fut un geste de révolution contre l’invasion Nazie.

Il faut noter que, tout comme en 2017, ces grèves piégeaient et incommodaient déjà les non-grévistes.  Si c’est là le défaut des grèves, il faut le rendre à l’évidence, c’est aussi ce qui fait leur force.  Sans un minimum de perturbations, ce type de manifestation ne se ferait pas entendre, il passerait inaperçu, et il perdrait donc son influence. Quand les armes sont limitées, il est crucial de les utiliser pleinement.

Des travailleurs de la CGSP en grève http://bit.ly/2iJmCry

Y a-t-il une alternative?

Ceci étant dit, le fait que l’appel à la grève soit justifié ne signifie pas qu’il soit toujours productif. L’idéal consisterait d’une augmentation de la consultation populaire afin que les citoyens dépendent moins des promesses, souvent délaissées par de vastes coalitions contre-nature, de leur partis politiques.

La Suisse, par exemple, a trouvé le moyen de gérer en toute harmonie une population aussi diverse que celle de la Belgique en recourant régulièrement au referendum populaire.  Un tel système de démocratie directe est-il envisageable en Belgique ?  La législation est absente et l’idée, dans le camp des législateurs, semble l’être aussi.  Si les syndicats s’engageaient à négocier avec les partis pour construire une proposition de loi, à lancer une campagne sociale, et à organiser des démonstrations en sa faveur, un tel système pourrait être possible.

Encore faudrait-il générer cet engagement citoyen et de convaincre la classe politique de renoncer à une grande partie de ses pouvoirs afin d’instaurer une refonte complète de la législation.  Promulguer une telle loi et l’instaurer dans le futur constituerait sans doute un défi majeur et un changement structurel complet de la politique Belge.  L’envie, l’engagement, et la pression doivent venir de tout le monde.  La possibilité de créer un nouvel outil de gestion est là, mais c’est aux citoyens et travailleurs belges, aux syndicats et aux politiciens, d’être suffisamment concernés et de vouloir travailler ensemble dans l’intérêt général de cette réussite.

En attendant, il faut accepter que la grève fait partie intégrante de la démocratie et du progrès, parce que la démocratie n’existe pas sans la reconnaissance que la politique puisse être controversée.