Le Québec, un acteur diplomatique unique en son genre

Les relations internationales qu’entretiennent chaque nation sont indispensables au fonctionnement de leur appareil administratif et politique. En effet, la création de liens à l’échelle globale permet d’assurer à un pays sa place au sein d’un univers de plus en plus mondialisé et de ses marchés, permettant des échanges commerciaux, culturels et défensifs qui viennent fortifier la santé de sa gouvernance.

À travers l’Histoire, que ce soit à l’époque des cités-États, des royaumes ou d’aujourd’hui, ce genre de relations et leur étude ont pour la plupart impliqué des acteurs souverains. Jamais n’a-t-il été question que, disons, le département français de Rhône conclue sa propre entente continentale avec des pays étrangers quand la république dans laquelle il évolue possède sa propre politique étrangère, beaucoup plus influente et structurée. 

C’est dans ce contexte que le rôle du Québec sur la scène internationale prend une tournure assez intéressante. En effet, la province francophone du Canada, contrairement à ses semblables, possède ses propres institutions et initiatives en matière de présence internationale. On pense notamment à son Ministère des Relations internationales et de la Francophonie, ainsi qu’à l’existence de délégations québécoises permanentes à l’étranger. À ce titre, il convient donc de se pencher de plus près sur la question du Québec et de sa présence à l’international, où il évolue avec la profondeur d’un acteur étatique quasi-souverain. 

De la mondialisation et de la prospérité

D’abord, sur le plan économique, il ne fait aucun doute que le positionnement de la province en tant qu’acteur étatique comportant une indépendance économique relative présente de nets avantages. La signature de traités entre provinces et pays étrangers est effectivement régulée depuis 1930, quand une commission judiciaire spéciale a stipulé que ces dernières y étaient autorisées en autant que les ententes relèvent de compétences provinciales. 

Ainsi, le Québec ayant l’emprise sur des champs de compétence comme les ressources naturelles locales, l’administration caquiste de François Legault a notamment conclu un accord de $20 milliards avec l’État de New York pour approvisionner la région d’hydroélectricité québécoise, un fait d’armes dont le premier ministre se targue fréquemment.

Un barrage hydroélectrique dans le Nord du Québec. « Pont et centrale hydro-électrique de Grand-Mère » de Lotfi BM est sous licence CC BY-SA 3.0.

C’est donc dire que ce genre de commerce permet au Québec d’établir des relations exclusives à son gouvernement et à son territoire avec des marchés internationaux, en parallèle des ententes conclues par la fédération canadienne. L’action économique internationale du Québec, symbole de son adhésion à la mondialisation du 21e siècle, est donc un moyen pour la province de s’indépendantiser du reste du Canada, comme elle aime bien le faire. En effet, si le Québec devenait un pays, il détiendrait la 33e économie la plus imposante au monde, juste derrière la Norvège; ce n’est pas rien!

Un affront à la fédération

Le Québec a un objectif assez équivoque au sein de sa considérable politique étrangère, qui s’éloigne des motifs purement économiques : l’affirmation de son identité. Ce n’est un secret pour personne que la province, politiquement parlant, évolue depuis des décennies avec des mouvances très nationalistes, parfois souverainistes. L’octroi du titre de « nation distincte » au Québec de la part de Stephen Harper en 2006 et la présence d’un parti politique à la Chambre des communes représentant les intérêts seuls de sa population en témoignent ainsi. 

De ce fait, le Québec mène ses opérations étrangères avec en tête une visée de s’établir comme entité politique et internationale distincte. Cette trajectoire est souvent associée à ses élans historiquement séparatistes. C’est ainsi que le Québec constitue l’un des seuls membres participants aux biennales du Sommet de la Francophonie ne constituant pas un pays souverain,  où il se pose en nation francophone au milieu d’un continent anglophone. Notamment, à l’occasion du 18e Sommet, qui avait lieu en octobre 2022 en Tunisie, Legault a appelé les pays francophones à « créer un contrepoids culturel et commercial au monde anglo-saxon », en « faisant plus d’affaires ensemble », pour reprendre ses mots. Il s’agit là d’une interaction diplomatique sans précédent pour une province canadienne à l’échelle globale.

Les dirigeants du dernier Sommet de la Francophonie. « Ouverture du XVIIIe Sommet de la Francophonie » de Présidence de la République du Bénin est sous licence CC BY-NC-ND 2.0.

Le Québec a aussi créé des ententes qui lui sont propres avec la France, son ancienne métropole, en matière d’éducation. L’Entente Québec-France implique notamment une reconnaissance complète des qualifications professionelles sur le territoire de l’un et de l’autre, un soutien financier considérable pour les élèves universitaires français souhaitant étudier au Québec et une coordination de la sécurité sociale des deux régions.

Bref, la diplomatie québécoise s’exerce en parallèle à celle que le Canada entretient en tant qu’acteur étatique fédéral. Loin de constituer une fin en soi, elle prend des dimensions émancipatoires et développementales pour la province et les bénéfices qu’elle en tire sont tangibles. Avec un gouvernement comme celui de la Coalition Avenir Québec de François Legault, qui use de ces relations à une cadence impressionante, il serait juste de s’attendre à ce que ces dernières perdurent à l’avenir, alors que le Québec adhère en bien comme en mal à la mondialisation et à l’économie transcontinentale. On pourrait également s’attendre à ce que ce nouveau regard sur les relations internationales de la part du gouvernement québécois, qui, pourtant, s’acharne à faire de la protection de sa culture et de sa langue un combat fondamental, fasse surgir des dilemmes en la matière : quelles priorités prendront le dessus sur les autres? Quels compromis seront intégrés pour y rejoindre toutes les missions de son peuple et de ses représentants? La diplomatie québécoise est donc un enjeu qui mérite que l’on s’y attarde avec attention dans les années futures. 

 

Édité par Maria Laura Chobadindegui

En couverture : Gavin Newsom, actuel gouverneur de la Californie, et François Legault. « Gavin Newsom and François Legault » est sous licence Public Domain Mark 1.0.