Macron en Afrique : un mandat au bilan mitigé

En avril 2022, les élections présidentielles françaises ont ponctué la fin du premier mandat d’Emmanuel Macron à l’Élysée. Avant même sa réélection le 24 avril 2022, ce dernier avait d’ores et déjà annoncé avoir un agenda ambitieux pour la France et le continent africain, dans le cas du renouvellement de son mandat. De telles aspirations s’établissent dans la lignée d’un mandat qui a su marquer un tournant dans les relations entre la France et l’Afrique. 

Dès les premiers mois suivant sa montée au pouvoir en 2017, le président de la République se rendait en déplacement officiel en Afrique, lors d’un voyage au Burkina Faso. La décision symbolique d’Emmanuel Macron de se rendre sur le continent african si tôt dans son mandat illustre son ambition de renforcer les liens entre la France et l’Afrique. Cette visite au Burkina Faso a joué un rôle essentiel dans la présentation des grandes lignes de la politique étrangère de Macron, au cœur de laquelle il place l’Afrique. Il a profité de son discours d’arrivée à Ouagadougou en novembre 2017 pour énoncer des objectifs précis en matière de politique française en Afrique pour les cinq années à venir. Macron a tout d’abord annoncé vouloir sortir de ce qu’il appelle le « pré-carré » francophone, en apportant par exemple de l’aide publique à des pays comme le Nigeria, en marge de l’historique influence de la « Françafrique ». Entretenant historiquement des relations fortes avec les anciennes colonies françaises d’Afrique, la France souhaitait diversifier ses relations avec des pays non-francophones du continent. Par ailleurs, Macron a mis en lumière sa volonté d’apaiser les mémoires. Il  se donnait comme objectif d’atténuer le blocage psychologique dans les relations France-Afrique lié à la colonisation (notamment en Algérie) ainsi qu’à la période post-colonisation (plus particulièrement au Rwanda). Enfin, Macron attestait à Ouagadougou de sa détermination à dynamiser sa relation avec le continent, en consacrant une attention particulière à la jeunesse et à l’éducation. Alors que Macron commence son deuxième mandat, qu’en est-il de tous ses ambitieux desseins cinq ans plus tard, et quel est le bilan?

Tournant positif dans les relations entre la France et l’Afrique

C’est avec succès que le président français est parvenu à orienter les relations internationales de la France vers une Afrique « globale ». Ce dernier fut désireux d’élargir les intérêts de la France au-delà de l’Afrique francophone, pour atteindre une Afrique continentale dont la valeur stratégique ne cesse de croître. En effet, le continent connaît une croissance économique exponentielle. De plus, il est le foyer de nombreux enjeux stratégiques majeurs du 21e siècle, incluant les larges ressources de pétrole présentes au Nigéria. Il est donc important pour la France de cultiver des relations avec l’ensemble du continent. C’est dans ce contexte que Macron est parvenu à tisser de nouveaux liens notamment avec le Soudan comme illustré lors du Sommet sur l’Afrique. Le 18 mai 2021, le président français accueillait à Paris le Sommet sur l’Afrique. Convoquant une trentaine de chefs d’États, cette rencontre avait pour but de discuter du financement des économies africaines afin de leur permettre d’affronter les conséquences économiques de la pandémie. La tenue d’un tel sommet par Macron symbolisait la solidarité de la France envers l’Afrique. Macron a profité de cet événement pour s’engager sur un prêt d’une valeur de 1,5 milliards de dollars destiné à consolider la transition économique du Soudan. Comme annoncé en 2017, le jeune chef d’État est parvenu à affirmer une politique étrangère à l’échelle désormais continentale en Afrique.

Réception du président rwandais Kagame par Emmanuel Macron à l’Elysée le 23 mai 2018. « President Kagame and President Macron hold joint press conference at Palais de l’Élysée » est sous licence CC BY-NC-ND 2.0.

Après avoir soupçonné la France d’avoir apporté un soutien militaire au gouvernement rwandais lors du génocide contre les Tutsis de 1994, le Rwanda avait rompu toute relation diplomatique avec l’Hexagone. Malgré cela, Emmanuel Macron est parvenu à marquer un tournant historique dans les relations entre la France et le Rwanda. Peu après son arrivée à Kigali en mai 2021, le président délivrait un discours au Mémorial du Génocide perpétré contre les Tutsis. Au cours de ce dernier, Macron a reconnu que « la France endossait une responsabilité accablante dans un engrenage qui a abouti au pire ». Par ces mots, il est devenu le premier chef d’État français à reconnaitre la responsabilité de la France dans le génocide rwandais. Ainsi, Macron a tenté d’alléger le ressentiment de la population rwandaise envers la France découlant de la responsabilité de cette dernière dans la perpétration des atrocités du génocide. Cependant, il n’a pas pour autant prononcé d’excuses au président Paul Kagame ni au peuple rwandais. Ces derniers s’attendaient à ce que Macron prononce au nom de la France des excuses envers les victimes du génocide pour ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour empêcher et arrêter les atrocités commises. En effet, la France avait connaissance des actes d’extermination perpétrés par le gouvernement rwandais majoritairement Hutu contre la minorité Tutsi. La France n’a pourtant pas mis en œuvre les mesures nécessaires pour mettre fin au génocide. Malgré un avancement considérable, il reste donc un long chemin à parcourir avant d’achever la normalisation des relations de Paris avec Kigali et d’apaiser les mémoires.

Exposition de biens culturels béninois au musée du Quai Branly peu avant leur restitution à leur pays d’origine. « Statues du palais royal d’Abomey que le président français E. Macron a décidé récemment de restituer au Bénin » de Jean-Pierre Dalbéra est sous licence CC BY 2.0.

Dans la continuité de ses actions pour normaliser les relations entre la France et l’Afrique, Emmanuel Macron a entrepris la restitution de divers biens culturels africains à leurs pays d’origine. La restitution d’œuvres la plus importante du mandat de Macron était dirigée vers le Bénin. Les biens culturels concernés retraçaient des pans importants de l’histoire béninoise mais avaient été pillés par des agents français lors de la colonisation. C’est sous la présidence d’Emmanuel Macron que ce sujet a été adressé et qu’a été publié le rapport Sarr-Savoy en novembre 2018. Ce dernier propose une réforme importante du code du patrimoine français visant à permettre la restitution de biens culturels africains pillés lors des années de colonisation française. C’est dans ce cadre que s’est inscrite la restitution de 26 œuvres d’arts béninoises à leur pays d’origine en novembre 2021. Ces dernières sont d’ailleurs actuellement mises à l’honneur au palais présidentiel de Cotonou. Par cette action, Macron est parvenu à mettre en avant une «nouvelle éthique relationnelle » entre la France et l’Afrique. Ce symbole politique représente une avancée importante dans les relations entre l’Hexagone et le continent africain. En effet, après plus d’un centenaire hors de leur terre d’origine, le retour des œuvres constitue une restitution culturelle symbolique à travers laquelle le Bénin se réapproprie son passé. 

Les ambitions politiques de Macron sont parvenues à porter fruit. Cependant, le lourd poids de la Françafrique a continué de peser sur le chef de l’État français. En effet, les intérêts derrière sa position politique en Afrique ont été remis en question plusieurs fois au cours de son mandat. Les médias n’ont pas manqué l’occasion de mettre en lumière un manque de cohérence dans ses actions, notamment au Sahel.

Un mandat à l’image de la complexité des relations franco-africaines

Malgré sa précédente éviction par le Président malien, le colonel Assimi Goïta s’est emparé du pouvoir par un coup d’État le 24 mai 2021. Le président français a condamné ce geste autoritaire car il s’inscrit en totale opposition avec le système démocratique promu par la France en Afrique. De plus, Macron avait formulé la menace de condamner cette prise de pouvoir par le retrait des troupes de l’Opération Barkhane si aucune action n’était entreprise. Les menaces de Macron se justifient par les risques importants que représentait ce coup d’État pour la France. En effet, les militaires maliens au pouvoir lançaient des négociations avec des groupes terroristes connus pour avoir tué des français. Par conséquent, ce putsch militaire donnait le pouvoir à des groupes contestant violemment la présence française dans la région, perçue comme symbole du néo-impérialisme. La condamnation de Macron s’explique par la menace terroriste pesant sur la présence française au Mali. Cependant, les événements au Mali paraissent très controversés dans un contexte où le président français avait accepté une transition politique du même type quelques mois plus tôt au Tchad. Comment pouvait-il justifier deux réactions aussi différentes? 

En effet, un mois plus tôt, le président tchadien Idriss Deby décédait dans d’obscures circonstances. À la suite de son décès le 20 avril 2021, Emmanuel Macron était le seul chef d’État occidental à se rendre aux obsèques de l’homme politique. Ceci illustrait l’impossibilité pour la France de se positionner de manière trop marquée en Afrique, contrainte de faire prévaloir ses intérêts au-dessus de ses convictions. Cette dernière ne s’opposait que faiblement à la succession dynastique en cours au Tchad, soucieuse de perdre le soutien de l’armée tchadienne au Sahel. En d’autres termes, Emmanuel Macron s’est retrouvé contraint de supporter des régimes peu légitimes en Afrique pour servir ses intérêts militaires, ternissant ainsi son image sur le continent. C’est d’ailleurs avec l’objectif d’apaiser l’image interventionniste de la France que le Président a retiré les troupes de l’Opération Barkhane le 10 juin 2021. Malgré cela, de nombreuses troupes françaises permanentes demeurent à Djibouti, au Sénégal et au Gabon. 

Enfin, Macron a tenté une fois de plus de couper les ponts avec le passé colonial de la France en Afrique en mettant fin à la monnaie du Franc CFA. Ce dernier a tenté de faire disparaître l’acronyme aux connotations coloniales du « Franc CFA », ainsi que l’obligation de déposer la moitié des réserves de change auprès du Trésor français. Cet effort s’est cependant soldé d’un échec. Cette réforme a été vue comme une tentative de la France de s’impliquer dans un processus purement africain, en route depuis plusieurs années déjà et supervisé par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). De plus, de nombreuses critiques reprochent à cette réforme d’être superficielle et de n’apporter que très peu de modifications au Franc CFA, monnaie souvenir de la colonisation. En effet, la nouvelle monnaie proposée, l’Eco, conserve des caractéristiques de l’ancienne monnaie. Par exemple, l’Eco possède le même ancrage à l’Euro, nuisant à la croissance de la région. Malgré une tentative de couper les ponts avec le franc CFA et le passé obscur de la France, les réformes entreprises par Macron demeurent superficielles.

En conclusion, les nombreux échanges entre Macron et les pays africains ont illustré un renouvellement politique. Macron a cherché à axer sa communication avec le continent africain sur des échanges avec la diaspora et la société civile africaine, comme lors du Sommet de Montpellier en 2021. Malgré d’importants efforts, les politiques du président français ne semble pas parvenir à marquer une rupture totale avec les relations France-Afrique historiques sur lesquelles pèsent une lourde mémoire coloniale.

En couverture : Emmanuel Macron lors de la cérémonie de restitution des bien culturels béninois. « Musée du Quai Branly » de Présidence de la République du Bénin est sous licence CC BY-NC-ND 2.0.

Édité par Cassiopée Monluc