Marche pour le climat: les enjeux de la mobilisation à l’aube des élections fédérales

Après diverses marches pour le climat aux quatre coins du monde, c’était au tour de Montréal de faire entendre sa voix. La police n’a pas donné de chiffre précis, mais elle salue une « foule record »  et les organisateurs de la marche eux estiment près de 500 000 personnes à avoir défilé dans les rues de la ville, un record pour le Québec. 

Montréal, forte de ses nombreuses universités a su mobiliser une jeunesse engagée et unie face à l’urgence de la situation. Néanmoins, le cercle de militants n’était pas circonscrit aux  étudiants: toutes les générations ont défilé dans une ambiance conviviale propice aux rencontres spontanées.   

Au niveau de Sherbrooke et Université, je rencontre Fiona, 7 ans,  qui marche aux côtés de sa maman. Fiona est au secondaire et me raconte qu’elle a séché des classes d’anglais et de mathématiques pour participer à la manifestation. “Le climat c’est important” me dit-elle sur un ton solennel. 

Jaillissant de cette marrée humaine: diverses pancartes fabriquées de cartons et objets recyclés. Si les slogans poignants, jeux de mots humoristiques, et autres images détournées étaient de mise, tous révélaient néanmoins l’urgence de la situation.

Des dizaines de personnes derrière le slogan “Au front pour la Terre Mère,” photographie prise par Iman Zarrinkoub

A peine revenue du sommet des Nations Unies sur le climat où elle s’était illustrée par un discours enflammé reprochant l’immobilisme de la classe politique, Greta Thunberg figurait en tête du cortège. Devenue symbole international d’une jeunesse engagée contre le réchauffement climatique, elle a de nouveau su capter l’attention de la foule avec un discours franc et mature, tout en étant plein d’espoir: “Nous n’arrêterons jamais de nous battre pour la planète, pour un avenir sans danger, pour notre avenir”. 

Justin Trudeau s’est également joint à la marche, et ce malgré de vives critiques à l’égard de sa politique environnementale, notamment envers la pipeline Trans Mountain construite en Alberta. On pouvait lire des slogans provocateurs sur des pancartes tels que : “Justin, pourquoi manifestes-tu contre toi même?”. Greta Thunberg lui a également reproché ses “mots creux” en lui rappelant que les Canadiens étaient “loin de voir les politiques [environnementales] nécessaires”.

Les revendications de la jeunesse sont claires, pour Cécilia étudiante en biologie à McGill, cette marche est l’occasion de “se faire voir et entendre par les dirigeants et montrer le poids d’une génération et ses préoccupations”. 

Petite fille brandissant une pancarte “we need to protect mother earth together,” photographie prise par Valeria Lau

Toutefois, la marche a révélé un paradoxe qu’il est urgent de dépasser si l’on veut agir concrètement pour l’environnement. Bien qu’elle avait pour objectif de faire pression sur les pouvoirs publics, il est bon de rappeler que “le changement, c’est [d’abord] l’affaire de chacun d’entre nous” comme le souligne l’agriculteur et philosophe Pierre Rhabi.  

En effet, si 500 000 personnes défilaient fièrement dans les rues, les poubelles, elles, débordaient d’ordures non-recyclables. Les manifestants s’arrêtaient au fast-food pour le repas, achetaient des cafés Starbucks et jetaient leurs pancartes au mauvais endroit. 

Devant ce paradoxe, Cécilia déplore effectivement le “manque d’initiatives individuelles” car elle voit “très rarement les gens se soucier de leur gobelet de café, de leur consommation de viande, de leur déplacement en avion, etc.”

Bien sur, il est urgent que les partis politiques mettent en place des mesures de grande ampleur pour l’environnement, car non les gestes individuels ne seront pas suffisant à eux seuls pour renverser la tendance. Toutefois, ils contribuent à mettre en place un effet papillon: cet engrenage si subtil, composé des petits gestes individuels d’apparence insignifiants mais entraînant d’incroyables conséquences. 

Quels seront les impacts de cette marche ?

Sur le court terme, cette manifestation d’une ampleur sans précédent au Québec témoigne d’une prise de conscience collective. Incarnée par une jeunesse engagée, cette marche contribue à donner un réel élan au mouvement pour la lutte contre le réchauffement climatique. Mouvement qui devra se concrétiser par des actions de la part des dirigeants. 

En effet, difficile de prédire si cette marche pour le climat constitue un véritable tournant en faveur de la mise en place d’une politique environnementale efficace ou si malheureusement elle n’est qu’un engouement éphémère qui ne sera pas entendu par les politiques. L’élection d’un nouveau premier ministre canadien, le 21 octobre, représente ainsi un enjeu important.

Jacqueline, étudiante en environnement, a participé à l’organisation logistique de la marche: “Les politiciens se présentant aux élections à venir savent que nous les surveillons, que nous en avons assez de leur complaisance et surtout, que nous sommes organisés. Il serait stupide de leur part de négliger l’engagement des jeunes pour le climat car celui-ci progresse à allure exponentielle et prend de l’ampleur partout dans le monde. Puisque nous formons le bloc le plus large pour cette élection, il est dans leur intérêt de nous écouter attentivement.”

Une certitude: la marche pour le climat du Vendredi 27 Septembre à Montréal s’est avérée être la marche la plus conséquente du monde. La jeunesse s’élève, la jeunesse s’engage, la jeunesse se révolte…reste à savoir si cet élan sera entendu et concrétisé par les gouvernements du monde entier, à commencer par celui du Canada le 21 octobre prochain.