Résignation d’Angela Merkel à la tête du CDU: Les Conséquences de son Approche Libérale et Humanitaire de la Crise Migratoire

Depuis le 29 octobre dernier, l’Union Chrétienne-Démocrate d’Allemagne (en allemand, le CDU) est au coeur des conversations politiques. Pour la chancelière allemande Angela Merkel, cette date marque l’annonce de sa résignation en tant que chef du parti. Le CDU étant le parti politique le plus important d’Allemagne, Angela Merkel décrète ainsi la fin de son règne politique.

Durant sa teneur, Mme Merkel a joué un rôle vital au sein des turbulences européennes. Qu’il s’agisse de la crise de la dette Européenne, de l’afflux des migrants de 2015, de la décision du Royaume-Uni de quitter L’UE, et de la montée des tensions commerciales avec les États-Unis depuis l’élection de Trump, Mme Merkel a toujours su défendre les valeurs démocratiques européennes. C’est donc après 13 années exemplaires à la tête du pays, que la doyenne de la politique allemande annonce par la même occasion qu’elle ne se représentera pas pour un mandat chancelier supplémentaire et mettra donc fin à sa carrière politique en 2021.

Cette annonce survient à la suite d’élections régionales décevantes pour le CDU dans le comté prospère allemand de Hesse. Ces derniers ne récoltent que 27% des voix, soit une chute de support de 11.3% face aux élections précédentes de 2013. Lui donnant tout de même le droit de former une coalition parlementaire, ces résultats sont cependant alarmants pour le parti de centre-droite. Alors que le parti de centre gauche (le SPD), lui aussi, ne parvient qu’à récolter un médiocre 20%, le parti d’extrême droite (l’AfD) et le parti vert voient leur soutien croître. L’AfD parvient même à obtenir la présence d’un représentant parlementaire d’extrême-droite dans 16 parlements régionaux d’Allemagne.

C’est donc le début de la fin pour Angela Merkel qui, sans sa position de dirigeante de parti, voit son autorité désormais limitée. Malgré son engagement à maintenir ses fonctions chancelières jusqu’en 2021, comme elle-même l’avait fait remarquer en 2004 – lors de la situation similaire de son prédécesseur Gerhard Schröder – les titres de chancelier et de chef de parti ne peuvent survivre séparément. En effet, M. Schröder n’avait su tenir sa position de chancelier pendant plus de 15 mois suivant sa démission de la direction de son parti. Suite à sa résignation, il avait été forcé d’organiser une élection précoce, qu’il avait ensuite perdue. Malgré le fait que Mme Merkel se dit “ouverte à rester” chancelière jusqu’à la fin du parlement actuel en 2021, beaucoup assurent qu’elle ne saurait tenir davantage que son prédécesseur.

Alors que le taux de chômage allemand est au plus bas et que l’économie se porte bien, ces élections soulignent un souhait de changement de la part du peuple allemand. En effet, depuis plusieurs années, un mécontentement général s’intensifie au sein de la CDU. Selon Thorsten Haas, professeur à l’université de Berlin, “The dissatisfaction is not about policies, but rather about how politics is carried out”. La résignation de Mme Merkel est une décision cherchant, en partie, à apaiser l’insatisfaction des partisans du parti. Malgré la réussite du pays à faire face à l’afflux important de réfugiés en 2015, Angela Merkel fut ouvertement critiquée pour ses décisions, jugées controversiales durant cette période de crise humanitaire. Dû au contexte nationaliste et populiste européen, la position d’Angela Merkel, privilégiant les droits de l’homme au regard de la crise migratoire, a contribué à l’annonce de sa résignation.

Angela Merkel decide d’ouvrir les frontières allemandes aux réfugiés et migrants venant de Syrie et d’Afrique.

Pour beaucoup, 2015 représente l’apogée de cette crise humanitaire internationale. Alors que la guerre civile fait rage en Syrie, l’Europe se retrouve à faire face à un afflux migratoire de grande envergure. C’est durant cette période que Angela Merkel devient un porte-parole pour les droits des hommes. Dans un premier temps, elle permet à un grand nombre de migrants et réfugiés de s’installer en Allemagne. Reposant sur des valeurs libérales, elle justifie l’effort allemand par le fait que “Germany is doing what is morally and legally obliged. Not more, and not less”. En gardant les frontières allemandes ouvertes, la chancelière allemande se démarque donc de ses voisins européens. De ce fait, l’Allemagne devient le pays de l’Union Européenne ayant accueilli le plus de réfugiés. Cependant, face aux critiques du peuple allemand dénonçant l’afflux migratoire inégalement distribué en Europe, Merkel favorise désormais une approche plus restrictive.

Les décisions de la chancelière allemande restent à ce jour un sujet fortement débattu. Alors que certain saluent sa politique d’ouverture envers la question migratoire, la qualifiant comme la quintessence d’une approche libérale et compatissante, d’autres, au contraire, critiquent cette approche qui, selon eux, lui aurait coûté sa position d’autorité.

Alors que l’Allemagne, profondément marquée par les événements de 2015, fait toujours face à des défis d’intégration des communautés de réfugiés, une nouvelle épreuve émerge: l’afflux migratoire de l’été 2015 a contribué à la montée du parti d’extrême droite allemand, le AfD, promouvant une politique anti-migratoire. Christophe Nguyen, professeur de science politique à l’université gratuite de Berlin, explique que l’AfD “became a movement with legs when the refugee situation amplified”. Selon lui, même si aujourd’hui, le problème d’un afflux migratoire critique “is not present anymore”, les politiciens allemands tentent de reconquérir leurs voix en promouvant le renforcement des critères d’immigration.

L’extrême droite progresse sur le terrain politique européen et l’Allemagne n’est elle aussi pas immunisée.

Manifestation de l’AfD, parti d’extreme droite allemand.

Dans un tel climat, où des idéologies nationalistes et populistes se propagent sur le continent européen, en Allemagne, Angela Merkel n’a plus la même portée que dans le passé. “Merkel was synonymous with the liberal world order”, explique Andrea Römmele de Hertie School of Governance in Berlin. Selon lui, “She was an authority at home and abroad, but that is history”. Depuis plusieurs années, Angela Merkel est sous la pression des mêmes forces nationalistes qui ont non seulement élevé M.Trump en Amérique, mais qui ont aussi alimenté le Brexit et qui, plus récemment, ont propulsé la populiste Marine Le Pen au deuxième tour des élections présidentielles françaises.

Observant une nouvelle voie nationaliste et populiste s’élever en Allemagne, Angela Merkel annonce qu’elle se retire de la scène politique Allemande. Ayant été un emblème des valeurs libérales et humanitaires en Europe, le climat actuel est tel que son discours politique n’est plus adapté. Vastement critiquée suite à sa décision de laisser entrer plus d’un million de migrants dans le pays pendant la crise des réfugiés de 2015, la doyenne de la politique allemande a perdu le support de son peuple.

Alors que le CDU se prépare à élire un nouveau chef de parti en Décembre prochain, qui deviendra alors le potentiel favoris pour la chancellerie, beaucoup se demandent comment le futur gouvernement répondra à la présence de l’extrême droite dans les parlements régionaux Allemands.

Edited by Laura Millo