Le cinéma en France : retour sur les conséquences de la pandémie

Après plus de trois mois de fermeture, les salles de cinéma ont rouvert leurs portes le 22 juin 2020. Partout sur le territoire, à l’exception de la Guyane et la Mayotte, les Français peuvent profiter de films parus avant le confinement, comme De Gaulle, de Gabrielle Le Bomin, sorti en salles le 4 mars, soit 11 jours avant la fermeture des cinémas. Mais les cinéphiles découvriront aussi L’Ombre de Staline, d’Agnieszka Holland, repoussé au 22 juin compte tenu du confinement national.

Un dilemme sanitaire

Si le déconfinement a été instauré le 11 mai en France, les cinémas sont eux restés fermés 42 jours supplémentairs afin d’éviter les regroupements et une deuxième vague de contamination. Pourtant, après une longue attente, le gouvernement a accéléré le processus de réouverture des salles jusqu’à surprendre les Français. En effet, la limite de 50% des places disponibles fut levée un jour seulement avant la réouverture par Franck Riester, le ministre de la Culture. De plus, le port du masque n’est pas obligatoire une fois assis devant le grand écran et la distanciation sociale d’un mètre n’est valable qu’entre les personnes de deux groupes différents. Ces mesures sanitaires ont pour vocation d’encourager la population à retrouver les cinémas et ainsi d’encourager la reprise de l’activité.

Franck Riester, ministre de la culture depuis 2018. Image sous licence CC-BY-SA-2.0.


Un secteur économique menacé ?

Afin de maximiser le retour du public en salle et donc soutenir l’industrie du cinéma, de nombreuses mesures ont été mises en place par le ministère de la culture. L’enjeu est avant tout économique puisqu’il entend sauver un secteur profondément touché par la crise sanitaire. De fait, avec un confinement strict, les tournages se sont arrêtés brutalement et ont été contraints d’être reportés. Ainsi, des films français tels que Astérix et Obélix : l’empire du milieu, de Guillaume Canet, ou à l’international avec Avatar 2 de James Cameron, ont été obligés d’arrêter leur production. La pandémie a également touché les sorties initialement prévues au printemps, comme le montre le report du prochain James Bond, Mourir peut attendre, désormais attendu pour le mois de novembre. Ces reports témoignent de la situation précaire dans laquelle l’industrie cinématographique se retrouve après la crise sanitaire et fait craindre les producteurs d’une date de sortie imposée, peu propice au retour du public dans les salles.

Au-delà de la production, c’est toute la chaîne de diffusion qui est impactée, avec des cinémas menacés de fermeture aux quatre coins de l’Hexagone, comme le montre l’iconique UGC George-V, situé sur les Champs-Elysées, qui n’a pas rouvert ses portes le 22 juin. Afin de protéger le 7ème art, le gouvernement français a ainsi annoncé le 10 juin qu’il renforcerait les aides apportées, entre autres, aux secteurs de la culture. Les Très Petites Entreprises (TPE) et Petites et Moyennes Entreprises (PME) pourront donc bénéficier d’une exonération des cotisations sociales dans le cadre de cette situation exceptionnelle. De plus, les entreprises de moins de 20 salariés avec un chiffre d’affaires de moins de 2 millions d’euros auront aussi droit au fonds de solidarité. Ces mesures économiques prises par le gouvernement sont indispensables dans un premier temps, mais représentent aussi un investissement futur pour le secteur, responsable de 2,3% du PIB français.

La fermeture des salles pendant les trois mois de confinement a surtout grandement bénéficié aux services de vidéo en streaming comme Netflix, Amazon Prime Video ou encore Orange Cinéma Séries (OCS). Le confinement a par exemple incité 27% des Français à se souscrire à un abonnement de vidéo en ligne et la moitié disent regarder un film ou une série tous les jours sur ces mêmes plateformes. La popularité de ces services n’est guère nouvelle sur le territoire, mais la lassitude des Français face au confinement et l’arrivée de la plateforme Disney+ le 7 avril a largement participé à leur amplification. Netflix s’est tout particulièrement imposé sur le marché en attirant de plus en plus de réalisateurs reconnus et récompensés comme Martin Scorsese avec The Irishman l’année dernière ou Spike Lee avec Da 5 Bloods, sorti en juin dernier.

 

Netflix, grand gagnant du confinement.
Netflix, grand gagnant du confinement. Image sous licence CC-BY-SA-4.0



Des films très attendus

Après un confinement éprouvant pour l’industrie cinématographique, fortement ancrée dans la culture française, quelques sorties vont s’avérer cruciales pour redonner l’envie aux Français d’entrer dans les salles obscures. En tête de liste, Tenet de Christopher Nolan, puisque le réalisateur britannico-américain sait s’imposer avec des films d’action récompensés comme Inception (2010), Interstellar (2014) et Dunkerque (2017). Malgré la situation actuelle, Nolan a réussi à persuader Warner Bros de maintenir la date de sortie de Tenet pour cet été, désormais prévue pour le 12 août. D’autres blockbusters américains distribués par Disney comme Mulan ou Les Nouveaux Mutants tenteront également le défi de remplir les salles de cinéma.

Christopher Nolan au festival de Cannes en 2018. Image sous licence CC BY-SA 4.0.


Néanmoins, ces rares sorties demeurent insuffisantes pour atteindre les habituelles 45 millions d’entrées au troisième trimestre (juillet à septembre) en France. La majorité des propriétaires de cinémas proposent donc cet été une large offre de films parus précédemment pour pallier au manque de films inédits. Inception accompagnera donc la sortie de Tenet dans les prochains mois. Le succès de ces reprises est tel, qu’aux États-Unis, Jurassic Park (1993) de Steven Spielberg s’est élevé au sommet du box-office durant le week-end du 19 au 21 juin grâce à la renaissante popularité des ciné-parcs.


Un pays attaché au cinéma

Pourtant, en France, le cinéma dépasse l’enjeu purement économique et fait intimement partie de la culture française. Avec plus de 9 cinémas pour 100 000 habitants en 2018, la France est le pays avec le plus de salles obscures en Europe, en plus d’être le pays hôte du Festival de Cannes, l’événement culturel le plus médiatisé au monde, devant les Oscars. Si l’édition de 2020, qui devait se tenir en mai, est désormais annulée, le Festival permet d’habitude de célébrer le 7ème art, de financer de futurs films, et de découvrir des productions internationales, comme la Palme d’or 2019 de Bong Joon-ho, Parasite. Cannes a tout simplement propulsé le film coréen dans le monde entier, qui est reparti avec quatre statuettes d’or à Hollywood en février dernier et a terminé sa course avec 1,7 million d’entrées en France. En dépit de l’annulation, le Festival de Cannes compte bien promouvoir le cinéma cette année, et a sorti sa sélection officielle de 56 films qui comprend par exemple The French Dispatch, de Wes Anderson, ou Soul, produit par Pixar Animation Studios.

De plus, en France, le cinéma est un art populaire, touchant tous les âges, capable d’engager des débats et de mener des réflexions. Les nouveaux films de la semaine sortent d’ailleurs le mercredi, jour auquel la majorité des élèves n’ont pas cours la journée ou l’après-midi. Ce n’est donc non plus pas un hasard si les films français avec le plus de succès ces dernières années sont des comédies, à regarder en famille. En 2008, Bienvenue chez les Ch’tis était le premier film français; en 2014, Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ?, et en 2018 Les Tuches 3, avec respectivement 20 millions, 12 millions et 5,7 millions d’entrées. Ces trois films ont pour point commun d’être des comédies françaises à succès public, reprenant des thèmes familiaux, amicaux et patriotiques.

“Tapis rouge et marches du palais du festival de Cannes” de Yann Caradec, sous licence CC BY-NC-SA 2.0.

 

Image de couverture: “Cinéma” sous licence: CC BY 2.0.